lettre ouverte aux enseignants : nous ne vous jugeons pas, nous essayons de vous aider
Aujourd'hui je vous invite à lire une lettre ouverte écrite par notre psychologue préférée.
lettre_ouverte_aux_enseignants_nov_2014
En lisant ce texte, j'ai ressenti toutes les émotions qui nous ont traversés pendant la scolarité d'Augustin.
J'espère que beaucoup d'enseignants liront l'intégralité de la lettre ouverte de Nelly COROIR.
Cela m'a rappelé le texte que j'avais écrit et lu à l'instituteur d'Augustin en CE1 :
"Nous sommes là aujourd'hui pour remettre certaines choses à plat. Plusieurs malentendus s'accumulent, et il faut vraiment que nous fassions tous un effort pour nous comprendre.
Nous avons le même but : la meilleure intégration scolaire possible pour Augustin.
Vous avez un devoir d'enseignement pour tous les enfants, ordinaires, en difficultés ou différents.
L'éducation nationale vous demande d'intégrer tous les enfants, quels que soient leurs handicaps.
Notre devoir à nous, est d'aider notre enfant à parvenir à vivre le plus autonome possible, sa future vie d'adulte.
La société nous demande d'adapter notre enfant quelles que soient ces difficultés.
Vous manquez de formation et de conseils pour accueillir correctement les enfants différents.
Nous sommes obligés de devenir de véritables professionnels, en nous formant en continu, à nos frais, sans que cela soit reconnu.
Vous êtes déconcertés par cet enfant.
Nous l'avons été.
Vous faites votre possible.
Nous faisons l'impossible.
Vous avez 27 autres enfants à gérer dans la classe, et certains sont en grande difficulté.
Nous avons la vie de notre enfant à gérer dans la société et c'est vraiment très difficile.
Vous n'avez pas assez de temps à lui consacrer.
Nous n'avons plus assez de temps pour nous, nous lui consacrons le maximum.
Vous avez beaucoup de copies à corriger. Il vous est impossible de reprendre systématiquement la copie d'Augustin pour parfaire sa correction.
Nous avons beaucoup de choses à lui apprendre (l'autonomie vestimentaire, alimentaire, l'hygiène, le comportement en société, le travail scolaire, la gestion de son matériel, de son travail, de ses journées, de ses déplacements, de ses amitiés, de son quotidien, des émotions, les liens familiaux, la communication, l'organisation de la pensée, la sécurité.....la vie par coeur).
Il nous est impossible de tout prévoir, de tout adapter.
Vous êtes plein de bonne volonté, vous voulez réussir cette intégration.
Nous sommes volontaires, nous devons réussir l'intégration sociale de notre enfant.
L'éducation nationale ne vous donne pas les moyens humains ou autres de gérer un enfant différent, vos conditions de travail sont difficiles. Elles le seront de plus en plus avec l'arrivée d'autres enfants handicapés.
La société ne nous donne pas de moyens humains pour nous aider, ni de moyens financiers suffisants, et nos conditions de vie sont difficiles. Elles le seront de plus en plus avec les années, et l'arrivée de l'âge adulte.
Tout cela pour dire que nous rencontrons tous d'énormes difficultés pour aider au mieux Augustin. Nous ne pouvons compter que sur notre bonne volonté commune.
Nous sommes là pour vous aider, nous essayons de vous donner des méthodes qui fonctionnent, que nous avons apprises, testées et que nous appliquons régulièrement. Nous n'avons rien inventé, notre formation continue et intensive nous permet d'avoir accès à ces pédagogies.
Nous sommes désolés de parler pédagogie avec vous, qui êtes des professionnels de pédagogie, de par votre métier, mais nous parlons de pédagogie adaptée au handicap de l'autisme, et ne remettons pas du tout en cause votre pédagogie générale.
S'il existait un médicament pour vaincre l'autisme, nous l'utiliserions.
S'il existait un appareillage pour corriger l'autisme, nous l'utiliserions.
Mais malheureusement, l'autisme ne peut s'améliorer qu'avec de l'éducation, de la pédagogie. Nous sommes donc sur le même territoire, et nous devons nous comprendre et travailler ensemble.
Le travail mené conjointement avec l'école depuis quelques années porte ses fruits : Augustin a énormément progressé, mieux que nous l'espérions. Cela nous motive pour continuer.
Cela fait aussi que nous sommes devenus exigeants, très exigeants, envers nous-même, envers Augustin et envers l'école.
C'est cette exigence, parfois épuisante, qui mène Augustin vers la réussite.
Nous n'avons pas le droit à l'erreur, la société ne nous laisse pas d'alternative. C'est pourquoi nous pouvons paraître injustes et durs. Il faut comprendre qu'il n'y a rien d'adapté à notre enfant aujourd'hui, tout est à construire, tout repose essentiellement sur nous.
Il nous arrive d'être épuisés, surtout lorsqu'on a l'impression que tout va mieux et qu'une petite réflexion (qui semble anodine) nous replonge dans l'abîme de l'angoisse.
Nous nous remettons en question à chaque réflexion, nous recherchons notre erreur, nous essayons de comprendre et de nous améliorer.
Chaque réflexion nous impose de rechercher des heures entières des solutions, en lisant ou relisant le maximum de livres sur l'autisme et en recherchant sur Internet des conseils d'autres familles ou en consultant la psychologue.
Très souvent, afin de remédier aux difficultés scolaires, nous achetons du matériel, le testons puis l'utilisons.
Vous n'avez pas idée de l'investissement que nous faisons pour aider Augustin : investissement de temps et d'argent.
Ce n'est pas cinq minutes de plus sur une copie, ni quinze minutes d'attention particulière journalière, pendant une ou deux années scolaires, mais des heures entières chaque jour, sans répit, pour toute la vie qui nous reste.
L'énergie nécessaire pour donner une vie heureuse et digne à cet enfant est inimaginable pour les familles ordinaires.
Ne nous jugez pas, aidez-nous !
Nous ne vous jugeons pas, nous essayons de vous aider."
J'avais déjà mis ce texte en ligne sur mon blog, ici.
10 ans se sont passés entre l'écriture de mon texte et la lettre ouverte de Nelly Coroir... !